Le Zine

Québec Erratique est la création prométhéenne de deux gars ordinaires.

L’idée du zine est le dernier stop (en date) d’un trajet amorcé par Antoine et Louis il y a quelques années. Après avoir quitté la vie universitaire, les deux chums restent en soif d’érudition. Conscients des limites d’un apprentissage en silo, ils décident d’échanger autour d’un sujet commun. C’est ainsi qu’est né le Cercle de Lecture Beublique (en hommage à VLB). Attablés dans leur estaminet préféré, armés de bibles commentées et irrigués de pintes fraîches, les chums échangent sur les Évangiles, s’attardent à leur paratexte, prennent des notes, jasent.

Ce plaisir d’apprendre ensemble se transforme l’année suivante en prenant la forme plus dissé-minable de la baladodiffusion La Bête à Deux Dos. Le podcast rabelaisien met en scène Antoine et Louis alors qu’ils abordent de grandes œuvres littéraires, historiques ou mythologiques.

Antoine Malette

Antoine travaille en bibliothèque depuis une dizaine d’années. C’est un bibliophile assumé qui s’intéresse particulièrement à la littérature sautée-sua-strap, notamment celle de James Joyce, Arno Schmidt, Julián Ríos, Flann O’Brien, etc.

Après un baccalauréat en études allemandes et en littérature comparée, il s’est payé la traite et est allé faire un certificat en études irlandaises qui s’est métamorphosé en maîtrise. Son projet de mémoire portait sur la résonance de James Joyce et la représentation de l’Irlande dans les œuvres de Jacques Ferron, Hubert Aquin et Victor-Lévy Beaulieu.

Dans ses plus jeunes années, Antoine écrivait de la poésie. Maintenant qu’il est heureux et marié, il a perdu son mojo lyrique. Lecteur toujours plus extensif, il élargit de façon boulimique ses horizons littéraires et s’amuse à traduire vers le français des textes écrits en allemand, anglais et irlandais.

Québec Erratique et son potentiel le font rêver.

Louis-Vincent Perras

La manière dont une personne se représente le monde en dit probablement davantage à propos de son être réel qu’une biographie sommaire. Vérifions, par cette courte présentation, si une telle conjecture résiste à l’épreuve de l’expérience.

Ce qui semble en tout cas significatif, pour Louis-Vincent, ce n’est pas le besoin de défendre des valeurs supposément éminentes ou celui de se sentir en harmonie avec le monde tout en espérant accéder à un hypostasique bien-être. Ce qui, pour lui, est décisif, c’est de pouvoir appréhender et ultimement sursumer, comme fait ontologique premier et fin dernière, comme présupposé et résultat de toute expérience possible, l’AGÔN travaillant les petites et grandes choses, l’antagonisme au cœur même de l’existence (pensons, notamment, aux nécessaires conflictualités idiosyncrasiques ou, plus généralement, à l’existence de l’Opinion), comme seule donnée vraiment fondamentale.

Sa vision du monde ne repose donc pas sur l’idéal utopique d’une progression linéaire de l’Histoire ou sur l’espérance nostalgique d’un repos béat dans l’absolu. Elle s’appuie plutôt sur une réticence indélébile, peut-être foncièrement irrationnelle1, à l’endroit de toute détermination prétendument dé-finitive et sans appel, venant clore la discussion ou interrompre un devenir. Ce qui le stimule et qualifie sa persévérance (dans l’être, bien sûr), c’est l’obstination à demeurer, autant que faire se peut, irréductible à quelque chose dont il ne serait pas, du moins partiellement, l’auteur. Aussi conçoit-il ainsi sa dignité.

La contradiction l’excite, le paradoxe l’émoustille. C’est pourquoi Louis aime philosopher. La Philosophie est le point d’appui par lequel il se soulève lui-même, la puissance venant soutenir et alimenter son appétit de transcendance. C’est par elle qu’il obtient de ses jouissances le complément essentiel d’une satisfaction durable et par laquelle il en arrive à trouver, par le fait même, ses souffrances intéressantes. S’extraire de l’être-là, décortiquer ses propres représentations par une scrupuleuse distillation et s’investir librement dans le dialogue spéculatif font ses délices.

S’intéressant donc à tout ce qui s’apparente à une aventure de l’esprit – n’étant pas lui-même totalement dénué d’esprit d’aventure –, Québec Erratique lui apparaît comme un lieu de prédilection pour la réalisation de ses ambitions théoriques mais aussi l’occasion de fraterniser allègrement avec des Egos (i.e. des égaux).

C’est avec enthousiasme qu’il s’engage dans cette entreprise insolite sans précédent connu.

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1 “…la “conscience” ne s’oppose jamais à l’instinct d’une manière décisive, – pour l’essentiel, la pensée consciente d’un philosophe est secrètement guidée par des instincts qui l’entraînent de force dans des chemins déterminés.” Nietzsche, Par-delà le bien et le mal, §3.